Préambule
Ce texte est un article que je souhaite complet sur l’histoire déjà chargée des tournois de programmes informatiques jouant à Othello. Je pense n’avoir oublié aucun tournoi français et américain, mais je sais qu’il n’en est pas de même pour les tournois canadiens et néerlandais antérieurs à la fin 1988 et suis preneur de toute information à ces sujets.
Il s’attache pour l’instant d’avantage aux faits qu’aux idées. En particulier, une grosse partie de ce texte ne parle que de résultats de tournoi. J’espère avoir le temps d’ajouter une partie récapitulant les idées des meilleurs programmes, ce qui leur a permis de « faire la différence » avec leurs challengers, qui je pense intéressera tous les programmeurs… mais ce n’est pas encore fait.
Je tiens à disposition de ceux qui le souhaitent un fichier de 126 références bibliographiques sur le sujet, ainsi qu’un recensement détaillé de tous les programmes d’Othello sur Pc et Compatibles que j’ai eu entre les mains (plus de 100). Contactez-moi pour ce faire à l’adresse suivante :
Bruno de la Boisserie 3 rue François Millet 27180 SAINT SEBASTIEN DE MORSENT FRANCE
Les origines du jeu
Malgré son nom, Othello n’est pas un jeu d’origine maure : il a été « inventé » en 1971 par Goro Hasegawa, un japonais. Il est très fortement inspiré de « Reversi », un jeu de la fin du 19° siècle inventé en Angleterre. On trouve d’ailleurs beaucoup de programmes à ce dernier nom (à cause du Copyright !).
Une des principales caractéristiques d’Othello est la simplicité de ses règles. Il s’agit de remplir un « othellier » de 8 cases sur 8, à l’aide de pions noirs sur une face et blancs sur l’autre. Chaque joueur joue une couleur, le vainqueur étant celui dont la couleur domine lorsque la partie se termine (en général quand toutes les cases sont jouées).
Chaque coup consiste en le retournement d’au moins un pion adverse. Il faut pour cela encadrer un ou plusieurs pions de la couleur opposée entre un pion ami déjà présent et le pion joué lors de ce coup. Les pions adverses « encerclés » sur une ou plusieurs lignes sont alors retournés. La prise peut s’effectuer verticalement, horizontalement ou en diagonale, mais seulement en ligne droite et lors de la pose du pion (le retournement d’un pion ne lui donne pas le droit de déclencher immédiatement d’autres retournements.
La simplicité de cette règle, en comparaison de celle des échecs, a séduit de nombreux programmeurs…
Les premiers programmes
Le plus vieux programme d’Othello connu est sans doute un certain « IAGO » écrit par l’université « Caltech » de Pasadena, en Californie. Plusieurs programmes portèrent ce nom (ce qui porte à confusion). Celui ci est mentionné dans un article de « Time » du 22 novembre 1976, qui commentait le voyage aux U.S.A. du champion japonais d’alors, Fumio FUJITA : « A Pasadena, en Californie, Fujita battit facilement un programme nommé IAGO créé par des étudiants de Caltech ».
(Source : Peter Michaelsen, Othello Quarterly Vol 10 N° 2, page 5)
La revue américaine de Micro-informatique « BYTE » a publié début 1978 un programme d’Othello en Fortran. Voici ce qu’en dit J.B. TOUCHARD, de l’université Paris VI, auteur d’un célèbre programme télématique d’Othello nommé « Chiens et Chats » (source : Education & Informatique N° 16, Mai-Juin 83) « La version d’Othello que nous avons mise au point était une adaptation d’un programme assez peu puissant décrit dans BYTE il y a environ 5 ans. Une adaptation judicieuse de la stratégie nous a permis d’aboutir à un produit convenable ».
En France, un autre programme aura un impact beaucoup plus grand : C’est le journal « L’ORDINATEUR INDIVIDUEL » qui le publia dans son numéro 1, en octobre 1978.
Aucun de ces programmes n’était fort, du moins comparé au niveau actuel. Le premier programme d’un bon niveau est peut-être « MAX » de ROB PHILLIPS. Son auteur le décrit notamment dans le numéro d’Othello Quaterly (revue de la Fédération américaine d’Othello) du printemps 1979. Mark WEINBERG, l’un des meilleurs joueurs américains de l’époque (et premier président de la Fédération américaine d’Othello) disait de lui : « MAX est un terrible programme, du niveau des dix meilleurs joueurs américains ». Ce programme, à l’origine écrit en Pascal, fut incorporé dans une machine à cristaux liquides diffusée par GABRIEL INDUSTRIES, le diffuseur américain d’Othello à l’époque, puis dans certaines cartouches de jeu (par exemple pour l’ordinateur Texas TI99-4a).
1979-1980 : les premiers tournois
En France, le premier tournoi de programmes se déroula à l’initiative du journal « L’ORDINATEUR INDIVIDUEL », le 26 mai 1979 à Paris. Six participants s’affrontèrent (dont deux programmes du journal) sur 5 rondes. C’est Philippe KELLER, sur SWPTC 6800, qui remporta le tournoi.
Quelques mois plus tard, le 1er décembre 1979, se déroulait le « second tournoi de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL » des mêmes organisateurs. Douze participants, répartis par moitié entre la catégorie « interprété » et la catégorie « compilé/assemblé » firent parler la poudre tout au long des 5 rondes. Noël REVOIL et son TRS-80 remportèrent la victoire de la première catégorie, tandis qu’Adrien HOLLIGER remportait celle de la seconde, sans avoir subi de défaite.
Le mois d’avril 1980 est à marquer d’une pierre blanche, à cause de la parution d’un article de David LEVY dans le numéro 16 de « L’ORDINATEUR INDIVIDUEL ». C’était le premier d’une série d’article sur les jeux de réflexion qui allait s’étendre sur 20 numéros et près de 2 ans…
L’auteur, alors Maître international d’échecs, s’était rendu célèbre à la fin des années 60 pour avoir parié qu’aucun ordinateur ne le battrait avant 10 ans. Ce pari, qu’il gagna, l’amena à devenir l’un des meilleurs spécialistes du sujet. Il dirige d’ailleurs toujours, à l’heure actuelle, « l’International Computer Chess Association ».
Cette série d’article eut le mérite de présenter au grand public les techniques issues de la recherche universitaire américaine, utilisées avec succès par les meilleurs programmes d’échecs et de dames de l’époque. En France, les premiers à l’utiliser allaient assez vite « faire la différence »…
Dès lors, les compétitions allaient se succéder à intervalles réguliers : le 19 avril 1980 se tint le premier tournoi « décentralisé », à Rouen. Six participants s’affrontèrent, et le tournoi fut remporté haut la main par Jean MAINGOURD, sur TRS 80, avec 10 points sur 10 et 257 pions, soit une moyenne de gain par 51 à 13 ! Il est vrai que le programme était l’un des premiers à utiliser une recherche sur plusieurs niveaux grâce à la technique du « minimax à élagage alpha-béta ».
Moins d’un mois plus tard, le 10 mai 1980, vingt-quatre concurrents se pressent au troisième « tournoi d’Othello-Reversi de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL ». Et parmi eux, pour la première fois, deux étrangers : l’espagnol Joan LUDEVID et surtout l’anglais David LEVY et son équipe. Celui-ci utilise pour la circonstance un programme en Pascal sur IBM 370, et remporte le tournoi (10 points sur 10, 242 pions) en catégorie « compilé/assemblé », suivi d’Adrien HOLLIGER, Vincent LEROUX et Jean MAINGOURD.
De l’autre coté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, on s’active aussi… mais semble-t-il plus sérieusement. Le professeur Peter FREY de l’université de NorthWestern organise le premier tournoi d’Othello hommes-machines le 19 juin 1980. Deux humains y participent : le japonais Hiroshi INOUE, champion du monde 1979, et l’américain Jonathan CERF, qui devint quelques mois plus tard le champion du monde 1980.
Coté ordinateurs, trois micros et trois gros systèmes sont présents. Parmi les auteurs on peut citer David LEVY, les époux SPRACKLEN (auteurs de SARGON), Tom TRUSCOTT (auteur d’un excellent programme de dames), Peter FREY… C’est Hiroshi INOUE qui, logiquement, remporta le tournoi. Mais il eut aussi le désagréable privilège de perdre sa partie contre le programme de David LEVY. A ma connaissance c’est la première fois qu’un champion du monde perdait une partie contre un ordinateur dans un jeu de réflexion pure. Il faut cependant souligner que ce résultat est du à une grosse erreur en finale, que peu de joueurs de club actuels commettraient… La seconde place du tournoi fut prise par le programme des époux SPRACKLEN, sur Apple 2, grâce à sa victoire contre Jonathan CERF. Il faut savoir que ce dernier avait testé une version préliminaire du programme quelques temps plus tôt, et que c’est lui qui avait fourni les « conseils d’expert » pour l’améliorer. Si vous possédez un Reversi Sensory Challenger, vous pourrez vous-même tester la différence : les niveaux « Novice » sont ceux du programme initial, les « Expert » sont ceux de la version corrigée…
Retour en France le 20 septembre 1980, pour le premier tournoi international d’Othello Reversi, toujours organisé par le journal « L’ORDINATEUR INDIVIDUEL ». Cinq nationalités et vingt concurrents s’y affrontèrent. Les anglo-saxons ne se déplacèrent pas pour rien, puisque parmi les 4 premiers de la catégorie « compilé/assemblé » on trouve le programme MICROthello de l’américain Mike RILEY, puis THE MOOR de l’anglais David LEVY, OTELIC du français Jean MAINGOURD et ODIN de l’américain Peter FREY…
L’année 1980 se termine avec l’apparition dans les boutiques françaises d’une machine à cristaux liquides, d’origine japonaise mais diffusée par Dujardin. Elle joue, bien sûr, à Othello, mais le niveau reste moyen.
1981-1983 : L’expansion
En janvier 1981 se tint aux U.S.A. un tournoi de programmes organisé par le professeur Peter FREY, à l’université de Santa Cruz, en Californie. 20 programmes étaient présentés, dont plusieurs déja connus. Les 4 premiers connurent tous une carrière commerciale : IAGO, de Paul ROSENBLOOM, ALDARON de Charlie HEATH (diffusé sous le nom MASTER REVERSI), le programme de Dan et Kathe SPRACKLEN (celui de la machine dédiée Reversi Sensory Challenger alias REVERSAL sur Apple 2) et enfin ODIN de Peter FREY et Larry ATKIN.
De plus en plus fort : 34 participants s’affrontent le 23 mai 1981 à Lyon, en France, sur 5 rondes. 8 programmes participent à la catégorie « compilés/assemblés » dont Reversi Sensory Challenger. Celui-ci pulvérise tout le monde et établit un record de domination : 10 points sur 10, 274 pions, soit une moyenne de 55 pions à 9 ! 12 programmes s’affrontent en catégorie « interprété », remportée par Maurice et Jean-Michel CLAVERIE, avec OTELION sur HP 9825. Innovation : 14 programmes participaient à la catégorie « Poche ».
Même domination du Reversi Sensory Challenger au 3e tournoi international d’Othello-Reversi de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL, avec aucune défaite sur les 5 rondes et 265 pions (soit 53-11 de moyenne) en catégorie « compilé/assemblé », forte de 16 programmes. En catégorie « interprété », 26 programmes sont présents, et c’est une nouvelle fois Maurice et Jean-Michel CLAVERIE qui gagnent. Du coté des 35 ordinateurs de poche, Jean Pierre LEROY gagne les 3 rondes. Incontestablement, la programmation d’Othello devient un loisir à la mode : ils étaient 77 en tout !
Cette année 1981 voit l’introduction en France du Reversi Sensory Challenger de FIDELITY ELECTRONICS, tout auréolé de ses précédents succès, et de l’ODIN ENCORE d’Applied Concepts (alias ODIN EDITION de la GREAT GAME MACHINE). Ces machines contiennent de bons programmes, et ont longtemps été les partenaires d’entraînement de plusieurs grands noms de l’Othello Français, dont Paul RALLE, champion du monde 1984.
Le 15 et 16 mai 1982, une nouvelle édition du « North American Computer Othello Championship Tournament » a lieu. 14 programmes, dont 8 sur micro-ordinateurs, jouèrent les 8 rondes. Aux trois premières places, on retrouve Charlie HEATH et son ALDARON, devant Anders KIERULF avec BRAND et Peter FREY avec ODIN, respectivement sur TRS-80, Commodore 3032 et TRS-80.
DEUX CENTS ! C’est à peu de choses près le nombre de participants du 4e tournoi international d’Othello de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL, le 26 septembre 1982. Jamais, à ma connaissance, compétition de programmes de jeu de réflexion n’a eu pareil succès. En catégorie « compilé/assemblé », seul Bruno BRAS remporte ses 5 parties, grâce à sa bonne programmation mais sans doute aussi à sa machine, un kit Intel à base de 8086. Il est suivi de Sylvain QUIN et de Vincent BAILLET. Le seul invaincu de la catégorie « interprété » est Maurice BARRET-CATAN, suivi de Christian SAUSSARD et de M. ERNOTTE.
Un an plus tard, les 24 et 25 septembre 1983, a lieu la 5e édition du tournoi international de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL. 96 concurrents sont là, dont 20 en « compilé/assemblé », 28 en « interprété » et 48 en « poche ». On retrouve à la première place de la catégorie « compilé/assemblé » INTHELLO, le programme de Bruno BRAS. Mais pour la première fois depuis longtemps, le vainqueur n’a pas remporté toutes ses parties : un certain François AGUILLON et son programme COMP’OTH lui ont arraché le match nul (il ne finira malgré tout que 10e). Le second est Vincent BAILLET et son REVERSI CHAMPION (qui connut une carrière commerciale), suivi de Maurice et Jean-Michel CLAVERIE, nouvellement acquis à cette catégorie. Du côté des « interprétés », victoire de Gilles BISSON devant P. KAPLAN et Philippe PICOU. En « poche », le tiercé gagnant est CAYRE, VERNOT et TORDJMANN.
1984-1989 : en Europe, le règne de COMP’OTH
Février 1984 : Un tournoi se déroule à l’initiative de l’antenne belge du journal « L’Ordinateur Individuel ». Seulement 4 programmes concourent en catégorie « compilés-assemblés », dont deux inscrits par François AGUILLON. L’un d’eux, baptisé du nom chatoyant de « Speedy Moulard », est censé permettre au frère de François de ne pas trop s’ennuyer, et a été écrit pour l’occasion quelques jours plus tôt (sur un Commodore Pet 8 Ko !). Surprise, il remporte le tournoi ! Inutile de préciser que les versions ultérieures de COMP’OTH descendent beaucoup plus de ce SPEEDY MOULARD que de son homonyme de l’époque !
En juillet 1984, un petit tournoi se tient à Gagny, en banlieue parisienne. Seulement 12 participants, mais quasi-exclusivement des programmes de catégorie « compilé/assemblé », dont plusieurs anciens champions. Sept rondes devaient, à priori, permettre de les départager. Malgré cela, 5 programmes partagèrent la première place, avec 5 victoires sur 7 : Reversi Sensory Challenger (niveau expert 6) ; INTHELLO 2.9 et INTHELLO 3.2, deux versions du programme champion en titre; la machine dédiée « ODIN ENCORE » ; COMP’OTH, enfin, dont c’est le premier grand succès. Derrière, on trouve entre autres plusieurs versions de REVERSI CHAMPION et MODOT, un programme anglais qui malgré une analyse à seulement 3 coups de profondeur gagne 4 parties sur 7. C’est un lointain descendant de ce dernier qui sert de moteur au jeu d’Othello présent sur le 36011515 WNEWS.
Deux mois plus tard, se tint le 6e tournoi international d’Othello de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL Cette fois-ci, c’est durant six rondes que les concurrents s’affrontèrent. C’est François AGUILLON et son programme COMP’OTH sur APPLE 2 qui remportait une nouvelle fois la victoire en catégorie « compilé/assemblé », devant Jean Christophe WEILL et Bruno BRAS. En « interprété », le premier était M. PRUDHOMME, suivi de l’équipe KOMBAR/CAMUS et de M. LEREVEREND. En « poche compilé », deux versions du programme de M. KOMBAR, remportent les 2 premières places, Didier ERNOTTE prenant la troisième. Enfin, en « poche interprété », victoire de M. BORNES devant M. CAMBIEN et Laurent TORDJMAN.
Le 21 septembre 1985, 84 programmes viennent essayer de conquérir le podium du 7e tournoi international d’Othello de l’ORDINATEUR INDIVIDUEL. Et en catégorie « compilé/assemblé », c’est toujours COMP’OTH de François AGUILLON qui tient le haut de la marche, et de loin : il termine invaincu sur les cinq rondes, avec 245 pions soit un gain moyen de 49/15. Il faut dire qu’il dispose depuis peu d’une carte 68000 à 10 Mhz, une vraie bête de course pour l’époque, dans son Apple 2. Son dauphin est Claude HELL, sur Apple Mac’Intosh (une autre machine à base de 68000 !). En « interprété », victoire de Patrick AUDINET sur CPC 464 devant Denis JOUBERT et son compatible PC. En « poche compilé », c’est Antoine CAPRON qui gagne, suivi de Didier ERNOTTE. Enfin, en « poche interprété », le CANON X-07 remporte les deux premières places, grâce à Laurent TORDJMANN et Etienne COLELLA.
Le 9 novembre 1985, coup de tonnerre sur le sol canadien : le programme BILL, de l’université de CARNEGIE MELLON (U.S.A) fait sa première apparition et ne perd aucune de ses 4 parties. Il termine premier, devant 9 autres programmes.
Retour aux U.S.A. les 15 et 16 Février 1986. 11 programmes s’y affrontèrent sur 8 rondes, dont seulement 4 sur « gros systèmes ». C’est une nouvelle fois ALDARON, de Charlie HEATH, sur TRS-80 modèle 1, qui gagne le tournoi, son plus mauvais résultat étant une nulle. La qualité du programme a encore une fois fait la différence face à des machines beaucoup plus rapides. Derrière, BILL, sur Vax 11/785, prend la seconde place. BRAND, d’Anders KIERULF, sur IBM PC, et EXCALIBUR, de Lance FORTNOW & Chris EISNAUGLE, sur ATT 6300 (= OLIVETTI M 24) prennent la troisième place.
En France, il fallut attendre le 22 mars 1987 (soit près d’un an et demi) pour qu’un nouveau tournoi ait lieu, à l’initiative de François AGUILLON. L’équipe du journal « L’ORDINATEUR INDIVIDUEL » avait en effet complètement changé, et il n’était plus question ni d’organiser un tournoi, ni même d’assurer un quelconque soutien médiatique. Coup dur, donc, qui se ressentit sur le nombre de participants : dix seulement, tous en « compilé/assemblé », et dont 2 fois le même auteur ! Reversi Sensory Challenger expert 5 et ODIN Niveau 9 (version APPLE 2) furent engagés à titre de « témoin » de niveau. COMP’OTH 68000 conservait sa couronne, son plus faible score étant de 42-22 contre le Reversi Sensory Challenger qui prit la troisième place, la seconde étant détenue une nouvelle fois par Claude HELL. A noter que ce dernier programme a depuis été versé dans le domaine public.
Nouvelle victoire de COMP’OTH 68000 le 13 mars 1988, au 2e tournoi de St Michel sur Orge organisé par l’auteur, François AGUILLON. Douze programmes étaient présents en tout, et la bataille fit rage pour la seconde place. C’est finalement Reversi Sensory Challenger expert 5 qui se l’adjugeait, suivi de INTHELLO de Bruno BRAS, d’une version de MICROB (la famille CLAVERIE) et du programme de Claude HELL.
Le 12 novembre 1988 se tint le 5e tournoi annuel de programmes de l’université de Waterloo, au Canada. Sept programmes s’affrontèrent, mais comme le règlement stipulait que le premier coup était blanc, beaucoup de programmes ne purent utiliser leur bibliothèque d’ouverture. CHUNG HOA de DUY-MINH-NHIEU, sur VAX, remporta le tournoi devant ZOTH, sur AMIGA 2000.
Retour en Europe le 11 février 1989, pour le tournoi d’ordinateurs d’Utrecht, aux Pays-Bas. 20 participants étaient présents, dont COMP’OTH, BRAND, et de nombreux programmes néerlandais.
COMP’OTH 68000, de François AGUILLON, remportait les 6 rondes et la finale, les places d’honneur étant prises par *VRT de Roemer LIEVAART, MAST 87 de Ron KROONENBERG et VERS2 de Ben DE WOOLF.
Une semaine plus tard, c’est aux Etats-Unis que se déroulait le tournoi de Northridge, réunissant l’élite nationale. BILL, de Kai FU LEE et Sanjoy MANAHAN remportait le tournoi, avec une seule défaite contre PEER GYNT, d’Anders KIERULF, une version remaniée de BRAND. CHUNG HWA s’adjugeait la seconde place.
Le 12 mars 1989, la troisième édition du tournoi de St Michel sur Orge, en France, eut lieu. Seize programmes y participaient, dont COMP’OTH sur ATARI ST, Reversi Sensory Challenger, PEER GYNT… Cinq rondes ne suffirent pas aux adversaires du premier cité pour lui faire perdre une partie, avec toutefois une sévère alerte à la dernière ronde, avec le match nul obtenu par BADIA de Marcel VAN TIEN. THOR, de Sylvain QUIN, s’adjugeait la seconde place, suivi de BADIA et du programme de Jean-Christophe WEILL. Il faut noter que ces trois derniers programmes étaient en langage C, ce qui laisse augurer de versions sur machines plus puissantes dans le futur…
C’est le 11 juin 1989 que se réunirent à Pérenchies, dans le Nord de la France, douze programmes dont COMP’OTH ST, Reversi Sensory Challenger, THOR et BADIA. Après sept rondes disputées, COMP’OTH ST restait le seul invaincu, suivi de BADIA et THEOLE (2 défaites chacun).
Londres, 9 août 1989 : le plus long tournoi de programmes d’Othello jamais organisé commence. L’évènement a lieu dans le cadre des premières olympiades informatiques, organisées par David Levy. 28 parties seront jouées par les quinze programmes d’Othello présents, au cours d’un « double toutes rondes ». A l’issue de ce marathon ne laissant aucune place au hasard des couleurs et des appariements, c’est un programme anglais, POLYGON, écrit par Alex SELBY en assembleur sur Acorn Archimèdes, qui remporte le tournoi avec 26 points sur 28 possibles. Derrière, on trouve COMP’OTH (23/28), BADIA (21/28), JONATHAN (18,5/28) et THOR (17,5/28). Le niveau de ce tournoi était tel que lors du tournoi hommes-machines qui clôtura l’évènement, le 15 août 1989, l’équipe des ordinateurs, constituée de ces 5 programmes, gagna par 12 points sur 20 contre celle des humains qui comprenait pourtant 3 des 4 meilleurs joueurs du monde ! On ne peut que regretter l’absence de BILL, qui tournant sur VAX ne pouvait concourir, le règlement stipulant que la machine devait être physiquement présente sur le lieu du tournoi…
Coté américain, le tournoi de l’université de Waterloo, en novembre 1989, vit la nette victoire d’un nouveau venu, HAROLD, sur Decstation 3100, devant PARALLELO (sur un réseau de 85 compatibles PC !) et THUMPER (sur VAX 8600). L’examen des parties montre cependant que la majorité des 14 programmes présents jouait franchement mal – parfois même en finale – !
1990-1992 : La montée en puissance
Le premier tournoi de la décennie 90 fut le 4ème tournoi international de St Michel sur Orge, le 11 mars 1990. 16 joueurs dont 5 hollandais étaient présents, prêts à en découdre sur 7 rondes. Quelques favoris manquaient cependant à l’appel, comme POLYGON, THOR ou Othello MASTER. Une fois de plus, COMP’OTH s’imposait, devant BADIA et VERS2. On notera la forte progression de programmes comme JACP’OTH ou OTHEL du NORD, qui viennent juste derrière.
Quelques jours plus tard eu lieu le tournoi d’Utrecht. REV 90 remporta le tournoi devant MAST 90 et MY TURN. BADIA dut se contenter de la quatrième place. Quand à COMP’OTH, il dut partager une inhabituelle 5e place avec VERS2 et PROthello…
Nouvelle victoire des néerlandais au tournoi de Pérenchies, en juin 90. DUMBO arrachait à la surprise générale la première place, suivi de JACP’OTH et de COMP’OTH, ex-aequo.
La montée en puissance des programmes néerlandais se confirma à la seconde « Computer Olympiad » de Londres, en août 90. Seulement 6 programmes d’Othello firent le déplacement, au lieu de 15 l’année précédente, sans doute à cause des 50 livres de droit d’inscription. DUMBO confirma son nouveau leadership, suivi de VERS2 et de MICROB.
De l’autre coté de l’Atlantique, HAROLD confirmait sa domination en remportant le 17 novembre le tournoi annuel de l’université de Waterloo, devant sept autres programmes. Il termina cependant ex-aequo avec PEER GYNT, et dut concéder une défaite au troisième, DESDEMONA’S REVENGE.
Le 10 mars 1991, fin d’une époque : au 5e tournoi international de St Michel sur Orge, COMP’OTH perdait sa première partie « à domicile » contre THOR. Mais surtout, JACP’OTH terminait invaincu sur les 7 rondes ! OTHEL DU NORD et COMP’OTH se partageaient la seconde place, suivi de THOR. On put noter lors de cette compétition que les meilleurs programmes ne fonctionnaient pas sur les machines les plus puissantes (un Archimèdes A 310 et un Tandon 486/25), ce que divers tournois récents auraient pu laisser craindre…
L’édition 1991 du tournoi de Pérenchies, qui se tint le 9 juin, accueillit seulement 9 participants. Mais aucun ténor ne manquait à l’appel, excepté DUMBO. A l’issue de 9 rondes très disputées, c’est finalement OTHEL du NORD qui s’adjugea la première place, suivi de JACP’OTH, COMP’OTH et THOR. L’analyse des finales, comme au précédent tournoi, révéla que certaines parties gagnées (par exemple par OTHEL du NORD) étaient perdantes ou nulles au coup précédent. Ce résultat semble prouver que l’écart de niveau est de plus en plus réduit entre les meilleurs programmes français.
Les programmeurs néerlandais se retrouvèrent quand à eux nombreux à la troisième « computer olympiad » qui se tint à Maastricht (Nl) du 22 au 28 août 1991. Un seul programme français, PUREE, y participait, contre 8 néerlandais, un finlandais et un russe. Il finit 5° sur son Atari 1040 St, derrière PROthello (Atari TT), MAST91 (PC 486), REV 91 (PC 486) et VERS2 (Acorn Archimèdes).
L’université de Waterloo accueillit le 28 novembre 1991 douze programmes et un joueur humain (non-officiel) pour son 8ème tournoi annuel. Une nouvelle fois, c’est HAROLD (DECstation 5100) qui s’imposait, devant le joueur humain Colin Springer, suivi de cinq ex-aequo dont DESDEMONA’S REVENGE (SparcStation), REV 5.6 et JONATHAN (PCs 386).
Pour la première fois depuis longtemps, un tournoi hommes-machines eu lieu le 8 mars 1992 à Paris. Ce tournoi réunissait 7 excellents programmes français contre 7 joueurs français de haut niveau, chaque joueur affrontant tous les programmes présents (pas de matches entre ordinateurs ou entre humains). THOR, sur Pc 486-33, termina le tournoi invaincu, devant OTHEL DU NORD (Pc 386-25c) et COMP’OTH (Atari 68000-8) à 1 point. A noter la bonne prestation de Dominique PENLOUP et de Paul RALLE, qui dépassèrent la moyenne contre les programmes.
Au total, victoire des machines par 29,5 points à 19,5. L’équipe humaine, auquel il manquait de nombreux bons joueurs français (notamment les numéros 2, 3 et 4 au classement national), s’est bien comportée, d’autant plus que diverses parties ont été perdues dans les derniers coups : si les joueurs humains n’avaient pas fait d’erreurs en finale, ils auraient gagné 23 parties. La rumeur selon laquelle les ordinateurs sont imbattables à Othello est visiblement exagérée !
Le sixième tournoi de St Michel sur Orge, le 15 mars 1992, accueillit 8 programmes. Les participants décidèrent donc de faire un « toutes-rondes ». C’est OTHEL du NORD (PC 386-25c) qui l’emporta avec 6 victoires sur 7, devançant d’un point THEOLE (PC 486-33). COMP’OTH (ST 68000-8) et SPOCK (PC 486-25) se partagèrent la troisième place, mais avec seulement 3,5 points sur 7 !
C’est une nouvelle fois OTHEL DU NORD (PC 386-25c) qui remporta le quatrième tournoi de Pérenchies, le 12 juillet 1992, devant onze autres participants. THEOLE, malgré son PC 486-50, dut partager la deuxième place avec JACP’OTH (Atari Mega Ste 68000-16) et SPOCK (PC 486-25).
En août 1992 se tint la quatrième édition des « Computer Olympiad », à Londres. OTHEL DU NORD (486 SX 20 et parfois 486-33) et JACP’OTH (ST 68000-8) y étaient présents, et remportèrent respectivement la médaille d’or et celle de bronze. Le programme néerlandais AIDA (SPARCSTATION 2) remporta quand à lui la médaille d’argent.
Affluence inhabituelle au tournoi de l’université de Waterloo (Canada), le 22 novembre 1992 : 25 programmes étaient présents, dont 4 français. C’est justement le français CASSIO (MacIntosh) qui avec 4,5 points sur 5 remportait le tournoi, suivi de FUGAZI, REV 6.1 et RODIONOV à 4/5, puis des français SPOCK et GTHOR à 3,5 / 5. Détail amusant, aucun de ces programmes ne tournait sur les stations de travail hyper-rapides habituellement utilisées par les gagnants de l’épreuve. On peut cependant regretter qu’avec un tel « plateau » il n’ait pas été possible de jouer d’avantage de parties.
1993-???? : Les universitaires se rebiffent
C’est un tournoi d’un genre nouveau qui se tint le 4 avril 1993 aux Ulis, dans la banlieue de Paris : il s’agissait d’un tournoi en cadence « blitz » (10 minutes par joueur). OTHEL DU NORD remporta une nouvelle fois ce tournoi, suivi de SPOCK (en nette progression) puis de DUMBO et COMP’OTH. Il faut noter l’avant-dernière place de la machine dédiée Reversi Challenger (niveau expert 4). Cela montre bien les énormes progrès accomplis depuis 10 ans…
Le 12 juin 1993 se tint la cinquième édition du tournoi de programmes de Courchelettes (anciennement de Pérenchies). L’excellent niveau de celui-ci avait cette année attiré deux néerlandais, un canadien et deux américains, dont le mythique « BILL », dans sa version 4. Celui-ci participait par téléphone depuis l’université de Carnegie-Mellon, à Pittsburgh aux U.S.A. ! C’est finalement les deux français SPOCK et OTHEL DU NORD qui terminaient en tête le tournoi, suivi de près par DUMBO. BILL dut se contenter de la quatrième place ex-aequo avec FUGAZI et JACP’OTH.
Le tournoi annuel de la « Computer Olympiad » ayant été annulé, l’université allemande de Paderborn, en Allemagne, organisa du 5 au 7 octobre 1993 un tournoi de programmes pour le remplacer. Douze programmes s’affrontèrent et LOGISTELLO, jusqu’alors inconnu, remporta largement la victoire, avec 16,5 points sur 18 possibles, suivi de KEYANO (13,5) et de REV (12).
La dixième édition du tournoi de Waterloo, le 13 novembre 1993, accueillit une nouvelle fois plus de vingt participants. Ce fut hélas au préjudice du nombre de parties jouées : seules 4 rondes purent être terminées. A l’issue de celles-ci, LOGISTELLO et STELLA se partageaient la première place (avec 3,5 points chacun), suivi à un demi-point par BRUTUS, KEYANO, REV, NICKSREV, VERS2 et CHIGOREV. Compte tenu du faible nombre de parties jouées pendant le tournoi principal, les 6 premiers jouèrent par réseau interposé une finale en double toutes rondes, dans la dernière semaine de novembre 1993. C’est une nouvelle fois LOGISTELLO qui remportait le tournoi, avec 6.5 points sur 10, suivi de KEYANO à 5.5. A noter l’extraordinaire domination de la couleur blanche dans cette finale à 6 joueurs, puisque seulement 4 parties (sur 30!) furent perdues par cette couleur !
Sur une idée de Sylvain QUIN, le 9 janvier 1994 vit l’organisation d’un tournoi de blitz à ouverture imposée : il s’agissait pour cette première édition de l’ouverture Rose. La cadence choisie (10 mn/partie) permit la tenue d’un « double toutes-rondes » entre les programmes présents. C’est une nouvelle fois SPOCK qui empocha la première place avec 11,5 points sur 14, suivi par CASSIO à 10/14 et KEYANO à 8,5/14.
C’est le 8 mai 1994 que se tint la troisième édition du tournoi annuel hommes-machines entre les joueurs et les programmes français. La forte équipe cybernétique s’imposa sans mal face à une équipe humaine démotivée, sur le score cinglant de 32 à 4. Les 3 programmes de tête furent KEYANO, SPOCK et OTHEL DU NORD, tous les trois auteurs d’un sans fautes. Ironie du sort, le jour précédent avait eu lieu un tournoi traditionnel ou précisément trois des quatre programmes présents avaient déçus par leurs mauvais scores…
C’est à un tournoi de très haut niveau que les participants de la sixième édition du tournoi de Courchelettes, le 19 juin 1994, furent conviés. Y participaient en effet LOGISTELLO, sur Sun Sparc 10-M20, POLYGON, sur Archimedes A310, OTHEL DU NORD sur 486 dx2-66 et SPOCK sur Pentium 66, qui terminèrent dans cet ordre devant 12 autres programmes. LOGISTELLO, qui ne perdit aucune partie, fit une nouvelle fois la preuve de son actuelle domination.
Lors du tournoi joué à l’aide du réseau Internet en juillet 1994, LOGISTELLO, sur Sun Sparc 10-M51
confirmait ce résultat, devançant ECLIPSE, le nouveau programme de Colin SPRINGER, sur IBM RS/6000, et PEE WEE, sur Pentium 90.
La deuxième édition du tournoi de blitz à ouverture imposée se tint le 4 septembre 1994, et fut remportée par SPOCK, suivi de CASSIO et de THOR, l’ouverture imposée étant la « Tigre Tamenori ».
Le 1 et 2 octobre 1994 eut lieu la seconde édition du tournoi de l’université de Paderborn, joué une nouvelle fois en grande partie à l’aide du réseau Internet. Le tenant du titre, LOGISTELLO, mais aussi le programme ECLIPSE remportèrent haut la main le tournoi, avec 11 points sur 12 possibles. Les 8 autres participants durent se contenter des miettes, le premier d’entre eux, KITTY (le nouveau nom du REV d’Igor Durdanovic) n’obtenant que 6,5 points sur 12. Signalons enfin que la machine la moins puissante du tournoi était déjà un 486 dx 50, la majorité des autres utilisant des SUN Sparc 10 M20 et M30.
L’édition 1994 du tournoi annuel de l’université canadienne de Waterloo eut lieu le 26 novembre. Pour la première fois, aucun étudiant de cette université ne présentait de programme dans la compétition, sans doute parce que celle-ci est devenue d’un très haut niveau. A l’issue des 6 parties, c’est une nouvelle fois LOGISTELLO qui terminait premier, avec 5 victoires et une nulle, suivi de BRUTUS et ECLIPSE.
A suivre…
© Bruno de la BOISSERIE 1989-1996.
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