Maintenant que vous connaissez les règles d’Othello, nous vous proposons quelques principes de stratégie élémentaire.
La stratégie de base
Pour essayer de maîtriser ce jeu en apparence imprévisible, plusieurs stratégies ont été successivement mises en oeuvre… Rappelons que le but du jeu est d’avoir plus de pions que l’autre à la fin de la partie et non pendant la partie. Heureusement pour l’intérêt du jeu, la stratégie qui consiste à retourner à chaque coup le plus grand nombre de pions possible est la plus mauvaise, comme nous allons le voir.
La maximisation
diag. 1. Noir doit jouer
Dans cet exemple, (diagramme 1), Noir n’a qu’un pion sur l’othellier et il ne reste que quatre cases vides. Mais Noir va jouer tous les coups restants (en commençant indifféremment par a1 ou h8, puisque Blanc passera chaque fois son tour) et l’emportera 40-24. Avoir beaucoup de pions, même à ce stade de la partie, n’est donc pas suffisant pour assurer la victoire. Il est plus important de détenir des pions « définitifs » qui ne pourront plus être retournés, quoi qu’il arrive, jusqu’à la fin de la partie.
La stratégie positionnelle
diag. 2 : pions définitifs
diag. 4 : Blanc doit jouer
diag. 5 : Noir doit jouer
Il est impossible de prendre un coin en tenaille entre deux pions : un pion placé dans un coin est donc l’exemple le plus simple de pion définitif. Les pions adjacents et de la même couleur deviennent aussi très souvent des pions définitifs. Tous les pions du diagramme 2 sont donc définitifs et Noir est assuré de garder au moins 26 pions.
Il ne faut donc pas donner inconsidérément des coins à votre adversaire. Le moyen le plus simple d’éviter de perdre un coin est de ne pas jouer sur les cases adjacentes au coin, que l’on appelle cases X pour celles qui sont sur les diagonales a1-h8 et a8-h1 et cases C pour celles qui sont sur les bords. Ces cases sont susceptibles de donner, à terme, un coin à l’adversaire. Evidemment, il y a des situations où il est intéressant de jouer ces cases, mais ce conseil vous évitera de perdre inutilement des coins, ce qui arrive à Noir sur le diagramme 4.
Noir a joué la case X en b7 croyant que Blanc ne pourrait jouer le coin a8 puisqu’il n’y avait pas de pion blanc sur la diagonale. Mais Blanc peut jouer d8, qui retourne (entre autres) d5 et lui permet de prendre le coin a8 au coup suivant. Jouer la case C b1 était aussi une erreur pour Noir. En effet, Blanc va s’empresser de jouer en c1, menaçant de prendre le coin a1. Pour éloigner cette perspective, Noir peut répondre d1, mais Blanc gagne quand même le coin a1, grâce au pion e1.
On peut donc penser que c’est une bonne stratégie de prendre les bords en espérant que l’adversaire sera forcé de donner un coin tôt ou tard. En fait, on va voir que ce n’est pas toujours une bonne solution. Le diagramme 5 montre une situation typique où la prise de bords se retourne contre celui qui les tient. Blanc a beaucoup de bords et surtout, il a un « bord de cinq » sur la colonne h. Noir peut exploiter cette faiblesse en jouant la case g2. Certes, il perd alors d’emblée un coin si Blanc se précipite pour prendre h1, mais Noir peut alors s’insérer en h2 et gagner h8 au coup suivant (puis le coin a8). Blanc aura donc assuré 7 pions définitifs sur le bord nord, mais Noir en aura beaucoup plus à l’est comme au sud et gagnera la partie.
La mobilité
Cette stratégie consiste à forcer l’adversaire à jouer un mauvais coup (par exemple à donner un coin sans compensation). Comment y arriver ? Si l’adversaire a peu de coups possibles et si, de surcroît, ils sont mauvais, il sera bien obligé, en raison des règles, d’en jouer un. En revanche, s’il a le choix entre de nombreux coups, il en trouvera certainement un bon.
diag 6 : Noir doit jouer
Sur le diagramme 6, si Noir joue e8, Blanc n’a que deux coups possibles : b2, qui donne à Noir le coin a1 ou g2 qui donne le coin h1. De plus, comme Blanc a six pions sur le bord nord, dès que Noir prendra l’un des coins a1 ou h1, il pourra prendre l’autre au coup suivant. Noir a donc une très bonne mobilité, sur le diagramme 6, car il a le choix entre de nombreux (bons) coups, tandis que Blanc a peu de possibilités et tous ses coups sont médiocres : il a une très mauvaise mobilité.
En général, plus vous placez de pions en frontière de la position, c’est-à-dire adjacents à des cases vides, plus votre adversaire a de coups et moins vous en avez. Dans cet exemple, les pions blancs des colonnes f et g forment un mur en frontière, ce qui interdit à Blanc de jouer dans la partie est de l’othellier (sauf g2) mais offre à Noir de nombreux coups dans cette région. En début et en milieu de partie, il est donc préférable d’avoir peu de pions. Et surtout, il faut les placer au centre de la position et non en frontière. À Othello, l’encerclement est une mauvaise stratégie, celui qui le tente se faisant très facilement prendre en tenaille.
La parité
Cette notion complète utilement celle de mobilité. Si aucun joueur ne passe son tour durant la partie, il y a un nombre pair de cases vides quand Noir a le trait, (c’est-à-dire quand c’est à lui de jouer). Quand Blanc a le trait, il reste un nombre impair de cases. Conclusion ? Blanc joue le dernier coup de la partie et possède donc un léger avantage, puisque le pion qu’il pose alors et ceux qu’il retourne sont évidemment définitifs.
diag. 7 : Noir doit jouer
Sur le diagramme 7, Noir doit jouer g8, (seul coup possible), Blanc répond h8 et gagne. Mais si c’était à Blanc de jouer, il placerait son pion sur l’une des deux cases g8 ou h8, Noir jouerait l’autre et gagnerait ! Cet avantage peut se révéler encore plus important si Blanc joue le dernier coup dans plusieurs régions « paires » (avec un nombre pair de cases vides).
diag. 8 : Noir doit jouer
Jetez un coup d’oeil sur le diagramme 8 : il reste quatre trous de deux cases. Noir sera dans l’obligation de jouer le premier dans chacun d’eux, car Blanc répondra toujours dans le même trou, c’est-à-dire dans la même région paire. La partie peut donc se terminer par la suite de coups g2 h1 g7 h8 b7 a8 b1 a1 et Blanc gagne 40-24.
La parité est donc a priori favorable à Blanc. Toutefois, Noir a un moyen de la retourner à son avantage : si l’un des joueurs passe une fois son tour, la parité s’inverse ; mais s’il y a un deuxième « passe », on est ramené à la situation initiale. Noir a donc intérêt à ce qu’il y ait un nombre impair de « passe » dans la partie. Un moyen efficace de gagner la parité consiste à forcer Blanc à se créer un trou impair dans lequel il ne peut jouer. Dans la situation du diagramme 9, Blanc ne peut jouer en g8. Noir ne doit pas y jouer non plus ! En dehors de g8, il reste un nombre impair de cases vides quand Noir a le trait. Noir doit jouer de telle façon qu’après son coup, il ne reste (toujours si on excepte g8) que des trous pairs.
diag. 9 : Noir doit jouer
Ici, Noir va donc jouer g2. Blanc doit alors jouer le premier dans chacun des deux trous au nord-ouest et au nord-est. La partie se termine par g2 h1 g1 a1 a2, Blanc passe, Noir porte le coup de grâce en g8 et gagne 37-27.
Et si Noir avait commencé par g8 ? Blanc aurait répondu g1 (laissant deux trous pairs) et aurait gagné 38-26 après g2, h1, a2, a1 !
En résumé, un joueur qui maximise son nombre de pions sera battu par un adversaire qui adopte une stratégie positionnelle, lequel perdra face à un joueur qui utilise la mobilité. Et si vous rencontrez ce dernier, vous devriez vaincre si vous savez aussi maîtriser la parité.
Pour aller plus loin…
Pour aller plus loin dans la compréhension du jeu, nous vous conseillons de lire la rubrique du site consacré à l’entrainement et aux stratégies avancées, et en particulier le livret de stratégie « A la découverte d’Othello », écrit par Emmanuel Lazard (Champion de France 1985 et 2009), qui reprend et développe les notions abordées ici. Ensuite, bien entendu, il faudra jouer, jouer et jouer encore pour mettre en pratique tout ce que vous avez appris.