A la découverte d’Othello (3/8)
Sommaire du livret de stratégie
Stratégies avancées
Partant du principe qu’il ne faut pas jouer une case C ou X, beaucoup de joueurs débutants en déduisent une stratégie incorrecte qui consiste à assigner à chaque case une valeur fixée à l’avance et qui ne tient pas compte de la position sur l’othellier. Dans cette approche, les coins sont les cases les plus intéressantes, suivis des cases de bords autres que les cases C, les cases centrales se voient attribuer une valeur neutre, tandis que les cases C et surtout les cases X sont considérées comme mauvaises. A chaque tour de jeu, ils jouent sur la case ayant la plus forte valeur (sous réserve qu’il s’agisse d’un coup légal, bien sûr).
Malheureusement, cette stratégie est vouée à l’échec pour des raisons qui vont apparaître tout de suite.
La mobilité
8. Noir doit jouer
Nous avons dit précédemment qu’il fallait éviter de jouer dans les cases voisines des coins pour ne pas offrir ceux-ci à l’adversaire. Il y a cependant un cas où vous serez obligé de le faire : si c’est votre seul coup légal. Regardons la position du diagramme 8.
9. Après Noir en e8
Blanc a très peu de coups possibles. Si Noir joue en e8, il ne restera plus que deux coups à Blanc, b2 et g2 (voir diagramme 9).
Or, d’après les règles du jeu, Blanc sera forcé de jouer un de ces deux coups. S’il joue b2, Noir pourra prendre le coin a1 et si Blanc joue g2, Noir pourra prendre le coin h1. De plus, à cause du bord de six cases au nord, dès que Noir prendra l’un des coins a1 ou h1, il pourra prendre l’autre au coup suivant.
Nous voyons donc se développer une bonne stratégie pour jouer à Othello. Votre adversaire ne jouera pas dans une case C ou X s’il peut jouer ailleurs. Votre objectif est donc de l’y forcer. Pour y arriver, il va falloir réduire ses différentes possibilités de jeu jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus qu’un ou deux mauvais coups, comme c’est le cas pour Blanc dans le diagramme 8. Alors il sera obligé de jouer un de ces (mauvais) coups et vous donnera une option sur la victoire finale.
10. Noir doit jouer
11. Après g6-b2-e1
Le diagramme 10 nous donne un autre exemple. Si Noir joue en g6, il ne reste qu’un coup légal à Blanc : b2. Bien sûr, Noir n’ayant pas de pion sur la diagonale b2-e5, il ne pourra pas prendre le coin a1 tout de suite, mais il n’aura aucun mal à recouper cette diagonale, par exemple avec e1 qui retourne c3 (voir diagramme 11).
Dans les diagrammes 8 et 10, Noir a une très bonne mobilité car il a le choix entre de nombreux (bons) coups, tandis que Blanc a peu de possibilités et tous ses coups sont médiocres : il a une très mauvaise mobilité.
En règle générale, votre objectif sera de limiter le nombre de libertés (c’est-à-dire le nombre de coups) dont dispose votre adversaire, tout en augmentant le vôtre. C’est ce que l’on appelle la stratégie de la mobilité. Lorsque cet objectif est atteint, on dit être en possession du contrôle de la partie. Cependant, n’oublions pas qu’il s’agit de forcer l’adversaire à jouer un mauvais coup : s’il ne lui reste qu’un seul coup non désastreux à chaque fois, ce n’est pas suffisant ; il faut qu’il ne lui reste aucun bon coup.
La frontière
Chaque coup est joué sur une case vide qui doit être adjacente à un pion adverse. C’est ce principe fondamental qui va nous guider dans le choix d’un bon coup.
A chaque tour de jeu vous devez retourner au moins un pion adverse. Il est donc clair que, plus il y a de pions adverses voisins de cases vides, plus vous aurez de
possibilités de jeu et donc plus votre mobilité sera importante. A l’inverse, si très peu de vos pions sont adjacents à une case vide, votre adversaire n’aura pas beaucoup de possibilités de jeu.
Un pion voisin d’une case vide est appelé pion extérieur; les autres sont appelés pions intérieurs. L’ensemble des pions extérieurs est appelé frontière. De par ce que nous venons de dire, il paraît naturel de chercher à diminuer le nombre de ses pions extérieurs.
Les diagrammes 12, 13 et 14 nous montrent trois positions semblables à un pion près. Que pouvons-nous dire d’un coup noir en a6 dans chacune de ces trois positions ?
12. Noir doit-il jouer a6 ?
Dans le diagramme 12, un coup noir en a6 serait désastreux : après Blanc g1, Noir serait forcé de donner un coin à Blanc (il n’aurait plus que b1, g2 ou h2 comme coups légaux). Le coup a6 est très mauvais car il retourne un grand nombre de pions extérieurs (ceux de la ligne 6) et établit sur cette ligne une grande frontière noire en deçà de laquelle Noir ne peut plus jouer.
13. Noir doit-il jouer a6 ?
Jouer a6 dans le diagramme 13 est déjà plus raisonnable car, parmi les pions retournés, seuls b6 et c6 sont en frontière. Cependant ce coup prive Noir d’un
certain nombre d’accès à des cases qui peuvent s’avérer importantes plus tard, par exemple a7. Peut-être vaut-il mieux jouer e7 qui retourne moins de pions en frontière.
14. Noir doit-il jouer a6 ?
En revanche, le meilleur coup du diagramme 14 est a6. En effet, si Blanc répond b2 ou g2, il offre un coin à Noir et s’il joue g1 (son seul autre coup légal), Noir peut répondre a7 et Blanc est alors forcé de donner un coin à Noir (il ne peut jouer que b2 ou b7). Dans ce diagramme 14, le coup en a6 est appelé coup tranquille car il ne retourne aucun pion en frontière (après a6, b5 n’est plus un pion extérieur).
On voit ici les limites de l’évaluation simple des cases dans une stratégie positionnelle : l’important n’est pas uniquement là où l’on joue mais aussi et surtout les pions que l’on retourne. Nous pouvons alors mieux comprendre la faiblesse de Blanc dans le diagramme 8. Toute la frontière était blanche et Noir avait beaucoup de coups à sa disposition (7 coups en plus de ceux sur une case C ou X). Il a un coup tranquille en e8 qui ne lui rajoute aucun pion en frontière. Blanc voit maintenant les conséquences de son énorme frontière : il est obligé de jouer b2 ou g2. De même, dans le diagramme 10, une grande partie de la frontière est blanche (principalement à cause du mur blanc à l’est) et en jouant g6, Noir n’offre aucun nouveau coup à Blanc.
Un des moyens de réduire la mobilité adverse (et surtout de ne pas trop réduire la sienne) va être de ne pas retourner trop de pions en frontière. Il vaut mieux avoir des pions au centre de la position (c’est-à-dire des pions qui ne sont pas voisins d’une case vide) que des pions extérieurs. C’est ce que l’on appelle la stratégie de contrôle du centre. Ce n’est bien sûr pas un hasard si tous les pions noirs dans le diagramme 8 sont des pions centraux.